Pourquoi prendre des photos au musée ?

>> Emission Sans oser de demander - par Géraldine Mosna-Savoye

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Vous le faites aussi non ? Mais que faites-vous avec ces clichés ? Pourquoi vouloir à tout prix garder une trace de ce que l’on a vu ? Question anecdotique, l’affaire ne l’est pourtant pas : pourquoi l’image a-t-elle pris une telle place, se démultipliant à l’infini, sans être forcément regardée ?

Avec Sébastien Appiotti, Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication au CELSA – Sorbonne Université

Qu'est-ce qu'ils sont agaçants ces visiteurs de musée : tous accrochés à leur téléphone, à prendre des photos de la moindre œuvre, de la moindre installation. Mais pourquoi prendre des photos dans un musée ? A qui les montrer après ? Est-ce que c'est le genre de clichés qu'on regarde dans son canapé le soir en se disant : "Ah vraiment, c'est pas mal Van Gogh" ? Pourtant est-ce vraiment mieux de ne rien en garder ? Est-ce vraiment mieux de regarder une œuvre les yeux dans les yeux ?

La photo au musée : appropriation émotionnelle d'une œuvre ou obstacle à la rencontre directe entre l'art et la spectateur ?

“La photographie est un moyen de s'approprier une œuvre, par le geste, par l’émotion, par le ressenti et d’ainsi renouveler le rapport que l’on a au musée, en proposant un lien moins intellectuel à l'œuvre. Mais la pratique de la photographie suscite également beaucoup de critiques de la part de gens qui affirment que c’est un obstacle à la rencontre directe du spectateur à l'œuvre, à ce choc esthétique qui était très cher à André Malraux. La photographie au musée serait alors une pratique populaire, au sens d’une pratique régressive et narcissique.” Sébastien Appiotti

Une interprétation guidée par le musée

“Le musée essaie toujours, grâce à des outils technologiques, de guider l’interprétation du visiteur. Par exemple, on ne peut pas visiter la Cité du vin à Bordeaux sans un compagnon de visite qui nous accompagne dans toute l’institution. Je considère qu’il y a des manières infinies d’appréhender, d’interpréter une œuvre. Une œuvre est en fait ouverte, si l’on reprend le terme d’Umberto Eco, et on peut la recevoir d’une manière à laquelle l'artiste n’aurait pas pensé.” Sébastien Appiotti

Sons diffusés :
- Mix de Louise André avec des extraits de : Musée haut, musée bas de Jean-Michel Ribes (2007) ; Fatal de Michaël Youn (2010) ; la série Southpark de Trey Parker et Matt Stone ; chanson des Frères Jacques C’que c’est beau la photographie (1968)
- Archive d'André Malraux, TF1, 05/12/1979
- Archive d’un reportage du JT de 12h Paris, France 3, 20/10/2005
- Chanson de Jabberwocky feat Elodie Wildstars, Photomaton
- Archive d’un reportage du Journal de Paris, RTF/ORTF, 14/01/1967
- Chanson de Beyonce and Jay Z (The Carters), Apeshit

Bibliographie :
Sébastien Appiotti : Prendre des photos au musée ? Quand les visiteurs gardent l'œil sur l'objectif, aux éditions MkF

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