© Bruce Clarke - Vies d'après : des artistes face au génocide des Tutsis du Rwanda - Camp des Milles


Bruce Clarke - Vies d'après : des artistes face au génocide des Tutsis du Rwanda - Camp des Milles - jusqu'au 09 Juin 2024

Site-Mémorial du Camp des Milles
40 Chem. de la Badesse
13290 Aix-en-Provence


www.campdesmilles.org


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PRESENTATION DE L'EXPOSITION RWANDA

Pourquoi cette exposition au Site-mémorial du Camp des Milles ?

Le camp des Milles est le seul lieu de mémoire en France à présenter et analyser dans sa scénographie permanente le génocide des Tutsis du Rwanda. L'approche intergénocidaire privilégiée notamment dans le Volet Réflexif fait en effet figurer parmi les génocides du XXème siècle non seulement la Shoah, mais aussi le génocide des Arméniens dans l'Empire ottoman et le génocide des Tutsis du Rwanda.

Bruce Clarke

La volonté, dès l'ouverture du site au public, est ainsi affirmée: permettre une réflexion pour aujourd'hui à partir des événements qui se sont produits hier ou avant-hier, il y un siècle ou il y a trente ans dans des continents, des cultures et des peuples différents. En comprendre les mécanismes individuels, collectifs et institutionnels.

Bruce Clarke

Alerter les citoyens sur la manière dont les extrémismes identitaires se fabriquent et peuvent aboutir au pire. Comprendre et faire comprendre que la même menace est universelle et peut atteindre n'importe quelle société, faute de résistances.

L'art comme outil éducatif

Appréhender ce sujet par une exposition artistique permet au visiteur, muni des outils de compréhension pluridisciplinaires que nous avons élaborés au Site-mémorial, par la voie du sensible, d'aborder l'assassinat d'un million d'êtres humains du seul fait de leur appartenance 'ethnique'. Se plonger dans un regard, entendre une voix, se perdre face à un paysage, lire une phrase. Autant d'actions pour accompagner la réflexion, pour ressentir la portée universelle de ces terribles expériences.

Surtout, le recours à l'art comme résistance aux engrenages meurtriers trouve sa légitimité et sa force dans le grand nombre d'artistes et intellectuels internés au camp des Milles qui ont continué d'y créer pour résister à la déshumanisation dont ils furent l'objet. Aujourd'hui, Bruce Clarke présente une résistance artistique, contre l'oubli et la réitération d'un engrenage meurtrier, ici ou ailleurs.

Ce mélange subtil de vigilance et de conviction, de respect et d'engagement, d'humilité et d'humanité, caractérise le travail de Bruce Clarke et des artistes qu'il convoque. Bruce Clarke traduit en mots et en images le génocide comme l'après génocide, le temps d'hier, si proche, et d'aujourd'hui, qui devient un temps mémoriel et un temps de commémoration.

Aux corps sans sépulture, au deuil impossible, à la parole impuissante à dire, succèdent la Justice et la mémoire. Pas la mémoire simple révérence au passé, mais une mémoire référence, inscrite pour l'Humanité, pour que celle-ci ne faiblisse plus, pour que celles et ceux qui savent disent aux autres ce qui s'est passé et ce qui ne doit plus se passer.

Lieu témoin, lieu d'alerte, lieu de mémoire(s) et lieu de réflexion et d'éducation citoyenne, le Site-mémorial du Camp des Milles accueille un public très divers pour alerter sur les processus qui mènent au pire et mettre en lumière nos capacités, variées et nombreuses, de résistance.

Puisse ce regard d'artistes sur le pire être un moment d'alerte, un outil de la pensée, un témoignage par l'art qui porte les voix des victimes du génocide au Rwanda et des survivants, dans la vie d'après.

La Fondation du Camp des Milles - Mémoire et Education 

LE GÉNOCIDE DES TUTSIS, UNE APPROCHE ARTISTIQUE ?

Nous, écrivains, plasticiens, nous sommes artistes

Dépassés par son énormité, amnésie et aveuglement auraient été commodes lorsqu'il s'agissait de parler du génocide des Tutsis: "Comment ne pas être tenté par un schéma permettant de banaliser une horreur qui semble si indicible qu'à la limite, elle est invraisemblable ? Le modèle intellectuel qui fonctionne dans le négationnisme est donc finalement le même que celui qui a fonctionné dans la gestation du mal. Tout génocide ne porterait-il pas en lui même sa propre logique de négation ?"

(Jean-Pierre Chrétien 1997)

Démontrant la vacuité des mots, le génocide se présentait comme un spectacle sur nos téléviseurs au même moment, exactement, où en juin 1994 on fêtait les 50 ans du débarquement et maintes manchettes titraient "Plus jamais ça".

Après la sidération, aux mots donc des écrivains de tâtonner pour redonner du sens et articuler, ce qu'on a décrit comme indicible. Aux plasticiens de représenter l'irreprésentable. L'absence de cet événement majeur du XXème siècle des pratiques artistiques aurait contribué directement à sa banalisation, son oubli, voire à la négation de sa réalité.

J'ai commencé à penser le génocide, en termes d'art et demémoire, dès la fin du génocide. Un peu plus tard j'étais associé à un groupe d'écrivains, ceux de Fest-Africa, qui tentait avec la parole d'articuler cette histoire désarticulée avec ses millions d'êtres disparus ou abîmés à jamais.

Bruce Clarke

Cette exposition est subjective et partielle comme l'est par définition toute œuvre d'art. Mais elle a pour ambition d'être juste. Elle vous présente des bribes de représentations à travers l'image et la parole. Elle est personnelle car je suis à la fois exposant et commissaire.

Je me suis permis de créer un dialogue entre le sensible et le réflexif avec comme matière première les textes de quelques écrivains amis.

In fine j'ai tenté d'extraire la poésie de la prose pour vous donner envie d'aller plus loin, tomber plus bas, dans l'abysse de cette histoire.

Le cadre, les limites

Le point de départ de l'exposition est le constat de Toni Morrison sur l'œuvre de Boubacar Boris Diop: "Ce roman est un miracle. Murambi, le livre des ossements confirme ma certitude qu'après un génocide, seul l'art peut essayer de redonner du sens. Avec Murambi, Boubacar Boris Diop nous offre un roman puissant, terrible et beau".

Le cadre de l'exposition est donc les écrits d'observateurs extérieurs, des œuvres de fiction, des œuvres théâtrales, des œuvres plastiques etc... Ce sont les points de vue et visions de ceux qu'on pourrait appeler les "témoins des témoins" : comment nous, artistes de l'extérieur, nous

 nous sommes saisis du génocide des Tutsis.

Il s'est agi à la fois d'un travail basé sur la documentation disponible, des discussions avec ceux qui ont connu "de première main" le génocide mais aussi de perceptions, la manière dont nous, les artistes, l'avons appréhendé, apprivoisé, approprié, confronté à d'autres approches journalistiques ou universitaires.

Toutefois, la frontière qui sépare cet ensemble littéraire de celui des publications à caractère informatif est sans doute floue.

Bruce Clarke 
Le Défi de l'Ethnisme, Jean-Pierre Chrétien, Karthala, 1997

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