© Annette Messager - Laisser aller - Galerie Marian Goodman


Annette Messager - Laisser aller - du 08 mars au 11 mai 2024

Galerie Marian Goodman
79 rue du Temple,
75003 Paris

www.mariangoodman.com

La galerie Marian Goodman a le plaisir de présenter une nouvelle exposition d’Annette Messager. Dans la galerie parisienne où elle a exposé pour la première fois en 2000, l’artiste propose un voyage à travers sa nouvelle production, emblématique de l’œuvre polysémique et foisonnante qu’elle déploie depuis le début des années 1970. Pour Messager, « l’espièglerie est une façon de dire la vérité », et Laisser aller pourrait être assimilé à une chasse au trésor, dans laquelle les dessins, les assemblages, les mots et les sons qui composent son travail sont autant d’indices de son univers. Inspirée par son quotidien et par la myriade de choses qu’elle a vécues, vues, lues ou entendues, l’œuvre de Messager nous parle avec malice de l’enfance, de l’amour et de la mort.

Depuis une dizaine d’années, le dessin occupe une place prépondérante dans le travail de l’artiste, lui permettant de s’exprimer librement, immédiatement et poétiquement. « Mes dessins sont des haïkus visuels », affirme-t-elle. De nombreux dessins sont présentés tout au long de l’exposition, s’entremêlant à la plupart des œuvres, dont l’installation murale de 7 mètres de long En même temps 2 (2021), qui occupe le mur principal du premier étage. L’artiste décrit l’œuvre comme « une conversation entre de petites effigies très hiératiques, très droites, de petites sculptures noires, qui nous représentent des humains. Ils semblent nous observer, tandis que de grands dessins étroits, allongés, très organiques, jouent avec les représentations de nos corps, de nos organes, de nos fantasmes, s’infiltrant et circulant, semblant perturber la dignité de ces petites effigies, tout à la fois. Les dessins verticaux à l’acrylique rouge, noir et bleu traduisent chacun une chute vertigineuse, incluant des motifs représentatifs du répertoire de l’artiste tels que des mains, des crânes avec des bras et des jambes, des figures spectrales, une fille-squelette en tutu, une paire de ciseaux, des chaussures, ou des motifs plus rares comme la marelle ou l’organe du cœur.

Des dessins figurent également dans l’installation à grande échelle Laissons aller (2023), présentée ici pour la première fois. Un couple enlacé dans un volet de fumée surplombe de petites sculptures d’étreintes amoureuses recouvertes de papier d’aluminium noir, un matériau commun à Promenade de l’escargot (2019), La Flânerie de l’escargot (2022) et Avec l’oiseau (2022).

« Pour moi, le dessin est une sorte d’errance », explique Annette Messager, qui puise également son inspiration dans la culture populaire. Avec Iconic (2023), elle propose une composition de dessins à partir de photographies iconiques de personnalités du XXe siècle telles que Charlie Chaplin, Albert Einstein ou Marilyn Monroe. Ces portraits, qui font tous partie de notre mémoire collective - comme celui omniprésent de Che Guevara avec son béret étoilé, popularisé par Andy Warhol - sont pris dans les filets de l’artiste, rappelant la fascination qu’ils exerçaient sur elle lorsqu’elle grandissait à Berck-sur-Mer. Les filets de pêche noirs qu’elle transfigure depuis les années 1990 enferment et protègent, et ces légendes se retrouvent capturées pour l’éternité.

« Le dessin est un jeu », ajoute Messager, qui aime fusionner des images, des mots et des symboles. Dans Hésitation (2023), la croix, autrefois instrument de torture et de mort, aujourd’hui symbole de la vie éternelle, se transforme en silhouette humaine. Un corps fragmenté (une main, un œil, une bouche) s’entremêle à des mots (hésitation, oubli, ruse, menace, comédie) copiés à l’infini. L’écriture d’un seul mot, comme une incantation silencieuse ou une formule magique, trace les formes du dessin.

« Mes dessins me semblent toujours des apparitions fantomatiques, avec juste une feuille de papier, du vide, de l’encre, de l’eau... et le hasard... confie Messager, qui transforme le rez-de-chaussée de la galerie en catacombes colorées et grotesques avec l’installation monumentale Tête à Tête (2019-2020), où crânes et squelettes passent de la joie à la mélancolie, du rire aux larmes. Un recueil de soixante-dix-sept allégories de la fugacité de l’existence, faites spontanément, sans repentir. Ces vanités sont plus proches des représentations des calaveras mexicaines que des natures mortes qui s’animent, sourient ou griment, et se déguisent en planètes, clowns, papillons ou fantômes. Parfois, deux vanités partagent la même feuille de papier, se tenant par la main et parlant face à face. Quelques mots reviennent : « moi toi » et « à mon intime », rappelant que cet exercice stylistique a été créé par Messager pour conjurer sa propre vulnérabilité.

Sur le mur voisin, le motif de la croix prend forme dans Un coup de dé (2022) et Le dé de la passion (2022), une paire de dés dépliés qui s’exhibent comme une peau perdue. Le dé, symbole du hasard et du hasard par excellence, évoque aussi les soldats jouant aux dés avec la tunique du Christ de l’Évangile de Jean. L’un exhibe un corps squelettique aux mains démembrées et aux jambes minuscules, tandis que l’autre arbore les instruments de la passion du Christ, tels que le marteau et l’échelle, et, non sans humour, le couteau suisse et la scie.

Une composition de dessins et de petites installations telles que Ghost (2017) et Tuer le père (2022) complètent la présentation, tandis que l’espace voûté abrite l’œuvre sonore Comme si (2022) et Le désir attrapé par le masque (2021). Le titre est un clin d’œil à la pièce surréaliste de Pablo Picasso « Le désir attrapé par la queue » ; Ici, un couple de palmipèdes naturalisés, surmontés de têtes de peluches, sont perchés sur un miroir suspendu, éclairé par une ampoule virevoltante. Enfin, la voix de l’artiste parle aux visiteurs à travers Comme si, une phrase faisant allusion à notre penchant pour les faux-semblants, murmurée à plusieurs reprises comme une litanie, à l’image des mots qu’elle reproduit assidûment sur le papier.

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