© Almine Rech - Inès Longevial
Inès Longevial - Les Silences du Désir
du 31 Mai au 06 Juil. 2024
Almine Rech Shanghai
27 Huqiu Road, Floor 2,
200002 Shanghai, China
www.alminerech.com
Dans un coin de ce monde, où les frontières entre le réel et l'absurde se confondent, une femme géante se tenait seule dans son jardin de contradictions. Tel une déesse égarée parmi les humains, elle tenait des fleurs comme autant de reliques sacrées, les pétales caressant sa peau immense de leur douceur fragile. Les fleurs, muettes complices de son exil volontaire, étaient pour elle bien plus que de simples décorations. Elles devenaient des boucliers, des remparts fragiles contre le vacarme incessant du monde. Elle cueillait ces fleurs avec une tendresse infinie, les préservant intactes comme on veille sur un secret. Puis, d’un geste délicat, elle les disposait dans ses oreilles, une frontière entre le chaos extérieur et son désordre intérieur. Ce rituel était un hymne, une fusion subtile de la femme et de la nature, de l'ordre et du désordre. Certains pourraient la considérer folle, perdue dans les méandres de ses propres illusions. Mais, pour elle, c'était une étreinte fugace de la beauté éphémère du monde. Se boucher les oreilles avec des fleurs était sa manière de transcender la banalité du quotidien, de défier l'ordre établi. Ainsi, dans un monde où la raison semble avoir étouffé toute trace de magie, cette femme géante continuait à se mettre des fleurs dans les oreilles. Et peut-être, juste peut-être, son étrange rituel inspirerait-il d'autres âmes en quête de sens. Un hommage aux gestes fous et aux mouvements calmes qui n'existent pas dans ce monde, un monde que nous essayons par tous les moyens de rendre vivable. Une histoire imaginée.
— Inès Longevial
Ce n'est pas une histoire déjà terminée, fanée dès qu'elle a été racontée, mais l'une de celles qui imprègnent le monde en étant inlassablement rejouée.
Inès Longevial donne vie à un géant, une force brute mais fragile, évoquant un désir réprimé qui s'exprime à travers chaque coup de pinceau. Les lignes du poème "Ma Force" de Cécile Coulon résonnent ici : "Ma force étouffe / Ceux qui l'empêchent / D'avancer", dépeignant une lutte intérieure ressentie dans la vigueur palpable et l'énergie du travail de la peintre. Face à l'absurdité, elle se confronte à elle-même : "Ma force n'a pas de sens / elle n'a jamais cessé de lutter", mais découvre dans son introspection une confiance croissante en harmonie avec le monde qui l'entoure : "Ma force, c'est avoir compris la beauté des montagnes."
Dans l'intimité de son atelier, cet excès féminin émerge de son pinceau exprimant ses propres règles et désirs. Ses yeux marqués de mélancolie dans le premier tableau, Tulipe noire, se lèvent progressivement vers les autres, dévoilant sans retenue une violence, son désir, sa sexualité, comme une transformation constante, incarnant ainsi la complexité des passions humaines et révélant les profondeurs insoupçonnées de l'âme artistique. Cela est particulièrement évident dans son tableau bleu Le cri, où une géante nue aux traits de la peintre crie non pas de peur, mais de libération, comme un rugissement conquérant. Elle est face à des témoins : d'autres facettes de l'humanité prises comme une frise de l'existence parsemée de fleurs.
Dans cet univers enchanteur de la peintre, la recherche de sens se révèle comme un thème conducteur qui traverse chaque tableau de l'exposition. La géante solitaire "tenant des fleurs comme des reliques sacrées" incarne cette aspiration à trouver un sens plus profond dans un monde sans magie. Son rituel inhabituel de se boucher les oreilles avec des tiges de fleurs devient une manière de "défier l'ordre établi et de transcender la banalité du quotidien".
Les Silences du Désir met également en lumière une série de petits cadavres exquis dessinés pendant le séjour de l'artiste en Espagne. Ces patchworks montrent l'influence des pratiques surréalistes dans l'œuvre de Longevial. Chaque dessin est une fenêtre ouverte sur l'inconscient de l'artiste, un voyage dans les méandres de l'imaginaire, quelque part entre le réel et le fantastique. En les contemplant, le spectateur est invité à se perdre dans un dédale de symboles et de significations cachées.
— Elise Roche